Le 11 Mai, l’étude Saint Paul auction présentera aux enchères deux œuvres de l’artiste américain Sol LeWitt (1928-2007), figure centrale de l’art conceptuel et minimaliste.
Solomon LeWitt dit Sol LeWitt a étudié les beaux-arts à l’Université de Syracuse (Etat de New-York) avant de voyager en Europe où il découvre les maîtres classiques, à l’instar des fresquistes de la Renaissance italienne. A son retour, après avoir servi dans l’armée américaine pendant la guerre de Corée, il entre comme graphiste jusqu’en 1956 dans le cabinet de l’architecte Ieoh Ming Pei (1917-2019), connu en France pour sa conception de la pyramide du musée du Louvre (1989). Au début des années 1960, il occupe un poste de réceptionniste de nuit au MOMA de New-York. C’est l’occasion pour lui de rencontrer d’autres jeunes artistes comme Dan Flavin (1933-1996), avec qui il partage cette même idée de renouveler la pratique artistique. A cette période, LeWitt se concentre sur la sculpture et commence à se faire remarquer. Il surnomme ses œuvres des « structures », faisant écho à l’aspect méthodique et mathématique de leur réalisation, et utilisant la figure du cube comme point de départ de ses séries. Sa première exposition rétrospective a lieu en 1970 aux Pays-Bas, au musée municipal de La Haye.
Artiste protéiforme, il pratique également la peinture, notamment murale. En 1968, il réalise ainsi son premier « wall drawing » pour la galerie Paula Cooper à New-York. Il en concevra environ 1200 tout au long de sa carrière, dans le monde entier, parfois installés de manière pérenne, parfois de manière plus éphémère. LeWitt conçoit les plans des dessins muraux qui sont ensuite réalisés soit par l’artiste lui-même soit plus fréquemment par un dessinateur qui pourra alors interpréter les plans de l’artiste, comme on le ferait pour un architecte. Un exemple de peinture murale de l’artiste est d’ailleurs visible proche de notre étude, au Château de Villeneuve à Vence qui abrite la Fondation Emile Hugues. En 2002, à l’occasion d’une exposition consacrée à l’artiste (« Sol LeWitt : l’image de la pensée »), l’artiste fournit des plans pour la réalisation d’une peinture murale, mettant en lumière l’idée que la notion de concept prime sur la réalisation, comme le suggère son texte fondamental de 1967 « Paragraphs on Conceptual Art ».
Vue de la salle du Château de Villeneuve à Vence - Fondation Emile Hugues
Si l’artiste est ainsi principalement connu pour ses variations sur le thème du cube via ses sculptures « structures » et pour ses peintures murales, il ne faut pas éclipser sa production d’œuvres sur papier. En effet, il réalisera à partir des années 1980 toute une série de gouaches où il étudie à l’infini des perspectives géométriques et colorées.
Le lot 83 de notre vente du 11 Mai est un parfait exemple de l’extension de son vocabulaire graphique sur une surface plane aux dimensions plus restreintes, permettant de faire entrer son art dans les intérieurs intimistes des collectionneurs. On y retrouve, désaxée sur la droite de la composition, une forme dérivée d’un cube et dont la perspective donne à voir trois faces, l’une peinte en violet, une autre en vert et la troisième en rouge, le tout se détachant sur un fond noir. Réalisée en 1988, l’œuvre provient de la Lisson Galery de Londres et a été exposée à la Basel Art Fair de la même année. Cette galerie, créée en 1967 à Londres par Nicholas Logsdail, a été pionnière dans la reconnaissance des artistes de l’art Minimal et Conceptuel et exposa les œuvres de LeWitt dès 1971.
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Le lot 82 de notre vente est le témoignage d’une production plus confidentielle de l’artiste : la série des « Papiers Pliés et Déchirés » ou » Folds and Rips », qui fait partie d’une série limitée d’œuvres sur papier réalisées au début de sa carrière entre 1966 et 1980. A travers les œuvres de cette série, il réforme totalement la notion de dessin et renouvelle l’acte créatif : l’œuvre est créée à partir d’un geste de l’artiste qui va venir plier la feuille ou la déchirer. En 1969, il commence ainsi à produire des Folds, c’est-à-dire des œuvres pliées, puis à partir de 1971, des Rips, œuvres déchirées. Dans un essai relatif à cette série, paru en 2020, Dieter Schwarz s’intéresse à la démarche et met en avant la notion de « dessin sans dessin ». Notre œuvre fait partie des Rips et consiste en une feuille blanche déchirée en trois parties, ensuite contrecollée. Comme à son habitude pour cette série, l’artiste lui a donné une référence et l’a datée : R39 – Mars 1972. Ces dessins étaient souvent offerts par l’artiste à ses amis et galeristes et circulaient ainsi dans un cercle assez restreint et privé, comme le témoigne notre lot qui provient de la collection Yvon Lambert. Important collectionneur, Yvon Lambert ouvra sa galerie à Paris au début des années 1960 et exposa l’artiste Sol LeWitt dès 1970, en véritable pionnier de la promotion en France de l’art Conceptuel et Minimaliste. En 2000, ouvre la Collection Lambert en Avignon qui sera suivie en 2012 par un important don du collectionneur à l’Etat français, où l’on retrouve ainsi de nombreuses œuvres de Sol LeWitt, tant ses gouaches géométriques que deux wall drawing.
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